Dans le contexte que l’on connaît de pénurie de logement, de manque de main-d’œuvre et de crise climatique, alors qu’on doit construire rapidement, il semble indispensable de saisir l’occasion de mieux construire, en mettant les écomatériaux à l’avant-plan. La recherche peut-elle contribuer à accélérer le déploiement des écomatériaux? Lors du dernier Rendez-vous des écomatériaux, le Créneau et le SEREX étaient invités à présenter l’apport de la recherche dans le développement de nouveaux matériaux biosourcés. Ils ont pu présenter, lors d’une discussion ouverte, non seulement le développement de matériaux écologiques, mais aussi l'intégration dans le bâtiment et la performance d'un assemblage de composantes biosourcées.
Au départ, l'expertise du SEREX était surtout axée sur le matériau bois et ses sous-produits, que ce soit pour utilisation dans la composition d'un bâtiment ou à des fins énergétiques - il a d’ailleurs souligné ses 25 ans d’existence cette année. Dans ses laboratoires, des solutions de rechange à plusieurs matériaux conventionnels issus de la pétrochimie sont maintenant testées et mises à l’essai dans l’enveloppe du bâtiment, notamment en matière d’isolation, avec les matières premières que sont les sous-produits du bois, mais également d’autres fibres émergentes. La matière est donc « retravaillée » pour fabriquer des produits tels que des panneaux, isolants, mousses, adhésifs, etc. Ces matériaux innovants, d’origine végétale, ont l’avantage de produire moins de GES lors de leur fabrication, en plus de stocker le carbone à long terme. Ce sont donc d’intéressantes pistes de solutions pour la décarbonation du bâtiment.
Après la conception et la mise à l’essai, l’homologation
La question de l’homologation des matériaux innovants a été le point culminant du panel. Le temps requis pour y arriver et la complexité de la démarche, sans compter les coûts, sont des obstacles importants. « Ces matériaux innovants existent, ce qui représente une avancée importante, souligne Mylène Joncas, directrice du Créneau, mais ils sont encore loin de se retrouver dans les quincailleries. Certes, l'autoconstructeur peut y avoir accès plus facilement. Quant à l'architecte, pour le prescrire, il devra attendre la traversée du processus d'homologation, ce qui n'est pas chose faite », indique-t-elle.
La démarche d’homologation de ces matériaux pose aussi une question cruciale : quel peut être le rôle des centres de recherche dans cette démarche? Les centres de recherche peuvent assurément contribuer à faire progresser la démarche. Certains disposent des équipements pour réaliser les prétests et fournir l’information afin de valider les qualités et performances du matériau en question et de faire les ajustements nécessaires au besoin. « Le fait de passer par les centres de recherche permet de bénéficier d’économies et de gagner du temps préalablement au processus officiel d’homologation, surtout dans la phase d’optimisation », précise Papa Diouf, codirecteur général du SEREX, recherche et innovation.
Il n’en demeure pas moins que ces matériaux, une fois homologués, devront être prescrits et adoptés par les constructeurs. On doit aussi tenir compte que ces innovations peuvent apporter des changements dans les techniques de construction, notamment dans l’assemblage des parties de l’enveloppe du bâtiment. « Le secteur de la construction en est donc à la croisée des chemins. Les connaissances doivent transiter vers le terrain. Cela ne se fera pas sans passer par la formation des travailleurs de la construction », suggère madame Joncas.
Vers un transfert des connaissances
À cet effet, le SEREX travaille à la mise en place d’un atelier appelé pour l’instant le LIFT : Laboratoire d’innovation et de formation technique en écoconstruction. Il souhaite y influencer les paradigmes de la construction hors site et de la préfabrication en priorisant les matériaux biosourcés. Des tests en laboratoire, des simulations informatiques, des tests in situ font partie des activités qui sont actuellement menées au SEREX, mais avec le LIFT, on vise une mise à l’échelle et l’enseignement des nouvelles techniques.
« Notre objectif est de faciliter l’intégration de matériaux biosourcés à la construction hors site, ce qui constitue un retournement important pour le secteur du bâtiment. Ce grand changement passe par la formation de la main-d’œuvre aux matériaux biosourcés. Les futurs professionnels doivent pouvoir acquérir les notions et les techniques de construction différentes de celles qu’ils connaissent. Le rôle du LIFT sera de développer les techniques de préfabrication et d'accompagner les acteurs de la filière vers l'industrialisation de la construction hors site pour laquelle les matériaux biosourcés sont particulièrement bien adaptés », a fait savoir monsieur Diouf.
Au terme du panel, les intervenants sont venus à la conclusion qu’un travail de fond demeure à faire pour assurer la capacité des ressources à répondre à la demande. « En bref, on constate que la recherche et les connaissances sur les écomatériaux sont avancées et que l’industrie a besoin de s’ajuster », a souligné Mylène Joncas en terminant. Encore faut-il que les filières puissent suivre le rythme et que les ressources bénéficient d’une gestion durable.
Lire cet article pour découvrir le LIFT.
Pour en savoir plus sur l’homologation des matériaux de construction lire l’article Approbation des produits de construction au Canada.